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Opéra, niveau de vie et décroissance

Publié le par Bertrand Ricque

Richesse = niveau de vie élevé = bonheur. Telle est l'équation qui prévaut dans notre société. On peut ajouter richesse = consommation = bonheur. On voit bien la superficialité et l'inanité de l'association du bonheur à la consommation.

L'impact de la décroissance à venir, dont les prémices se font déjà sentir depuis une dizaine d'années, sur cette équation est souvent réduit dans les débats aux aspects les plus idéologiques. Refus du "système", refus de la technologie et de ses gadgets, vie en petites communautés, autosuffisance alimentaire, permaculture, convivialité, modification du régime alimentaires (véganisme), fin de la consommation outrancière, refus de "l'obsolescence programmée" sont les éléments le plus souvent présentés comme des "solutions" à "l'effondrement" économique à venir. Au delà des aspects idéologiques et des prises de positions extrêmes, cette orientation sociale soulève des questions souvent occultées. Je ne traiterai pas dans ce billet des aspects tribaux et claniques sous-jacents que cela implique.

On entend souvent que l'on travaillera moins et que l'on aura plus de temps pour se consacrer à soi et aux autres et que l'on en retirera bien plus de bonheur. Il est également mis en avant que l'on sera moins stressé que par le paradigme actuel du travail. Effectivement, il y aura moins à produire, si l'on ne produit que l'essentiel.

Je pense que cela relève de l'utopie. On travaillera beaucoup plus parce que l'on sera moins mécanisé et on travaillera plus dur, car le travail de la terre c'est dur. Avec un niveau de vie moins élevé, il faudra travailler plus d'heures pour obtenir ce que l'on ne produit pas. Et si la satisfaction de voir ses efforts récompensés, comme lorsque l'on fait du bricolage, apportera effectivement du bonheur, ce sera un bonheur obtenu avec de la sueur. Cette utopie me semble être le fait de jeunes bobos qui n'ont jamais vu une ferme en 1960 avec un seul point d'eau et encore souvent un sol en terre battue. Il en restait des comme cela en 1985.

Par ailleurs, une forme de troc est souvent présentée dans la société des loisirs comme réponse à la décroissance : comme par exemple la partie de pétanque avec les voisins à la place su séjour annuel de plongée aux Maldives (que des ouvriers peuvent se payer aujourd'hui (moins cher que la semaine ski dans les Alpes :-) ).

Tout ceci occulte les apports sociaux de notre société riche : le logement individuel, le divorce, le système de santé, le système éducatif, surtout pour les études supérieures. Ce système technico-social ne peut pas survivre sans être soutenu par des flux financiers et énergétiques importants.

Un exemple qui me tient à cœur est l'opéra. Un opéra coute en moyenne, -donc pas que à Bastille, mais aussi dans les "petits" opéras de province-, au moins 500 000 € à monter hors salaires. Chaque représentation coute entre 50 000 € et 100 000 €. Il n'y a pas plus de place pour l'opéra que pour une maternité à moins d'une heure de route dans une société atomisée en petites communautés dont un des credo est le refus de participer à une société dont le périmètre dépasse celui de la communauté, comme dans les ZAD.

On comprend bien que l'on ne pourra pas autant soigner les maladies chroniques et faire "vieillir" la population, mais il faudrait néanmoins avoir une capacité correcte de prendre soin des valides. Je ne parle même pas des handicapés qui nécessitent également un effort financier et énergétique élevé.

Ce constat soulève des questions qui restent pour le moment sans réponses  de la part des promoteurs de la société "future". C'est bien dommage et cela me laisse sur ma faim en plus de soulever de gros doutes. Mettre en avant un "futur désirable", c'est bien, mais occulter dans les débats des aspects aussi importants relève de l'irresponsabilité.

Sources : https://www.lesechos.fr/15/02/2008/LesEchos/20111-051-ECH_nos-tres-chers-operas---.htm, http://musicasola.blogspot.com/2010/05/combien-coute-un-billet-dopera.html

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