Considérations d'ingénieur sur l'état du trafic aérien
Ceci pour d'une part ramener le débat sur un terrain un minimum rationnel et d'autre part mettre en évidence l'écart qui existe entre France Inter et France Culture, ou entre le grand public et les spécialistes.
Pour commencer, aucune des considérations ci-dessous n'est ni secrète ni cachée par qui que ce soit. Il suffit d'avoir envie de s'informer et de chercher un peu.
Premier point, les autorités sont paralysées et réagissent trop lentement. C'est faux et ceux qui se plaignent sont dans deux catégories. Primo, Les compagnies aériennes à qui on pourrait rappeler que les autorités européennes ont fait leur travail en leur temps. C.f. le témoignage d'un collègue britrannique :
" I was part of the EUROCONTROL committee that drafted the contingency planning guidelines for ATM in Europe. We worked for almost three years to consider how best to coordinate the closure of airspace and the reopening process in circumstances that included volcanic ash, based on the experience following Mount St. Helens. During that time we had little or no interest from the airlines or the airports because they could not see the relevance of the work for their operations. The main argument put forward was that situations similar to those we face today could be addressed by the extension of existing business continuity
provisions. All the best,
Chris."
Secundo, les voyageurs qui seraient les premiers à hurler au premier avion tombé par terre.
Second point les enjeux réels. Il s'agit de savoir ce qui est le pire : interdire la circulation aérienne tant que l'on a pas de moteurs d'avions dont on est sûrs qu'ils résistent aux particules abrasives, ou quelques accidents. Pour choisir il faut comparer les alternatives et leur coût. Combien coute une semaine d'arrêt du transport aérien : on sait. Combien de temps faut-il pour faire des essais représentatifs sur des moteurs, en déduire la réduction de leur durée de vie (surcoût), en déduire leur nouvelle probabilité de panne : on ne sait pas ni combien cela peut coûter. Quelle sera la fiabilité résultante : on ne sait pas. Pourra-t-on toujours voler en transatlantique avec des bimoteurs (réglementation ETOPS - vous imaginez tous les avions au sol sauf les A340, A380, et B747 ...) : on ne sait pas. D'un autre côté, combien coûte un avion au tapis : 1 milliard d'Euros environ, supporté in fine par les voyageurs à travers les prix des billets. Qu'elle est la probabilité que cela arrive : on ne sait pas. Quel est le prix politique à payer pour celui qui a autorisé les vols : on en a une idée.
Le décisionnaire doit donc comparer deux alternatives qu'il ne sait pas quantifier. Je n'aimerais pas être à sa place et je trouve profondément injuste de critiquer les personnes qui se trouvent dans cette situation.
Troisième point. On entend beaucoup de soit disant spécialistes sur les ondes. Pour le moment on n'a entendu personne de Snecma, Rolls Royce, GE, Pratt & Whitney, Airbus ou Boeing. Ils vous diraient que les moteurs n'ont pas été prévus pour fonctionner dans ces circonstances et que l'on ne peut rien dire sans faire des essais. En attendant voici une photo d'une ailette d'un réacteur d'un F18 finlandais : http://www.ilmavoimat.fi/index_en.php?id=1152
Quatrième point, on ne modifie pas tous les couloirs de circulation aérienne européenne du jour au lendemain pour par exemple voler plus bas. Imagineriez-vous passer de la circulation à droite à la circulation à gauche dans la nuit sans aucun préavis...