Le génie logiciel, science jeune s'il en est, reste encore trop (à mon goût) confiné comme un domaine à part.
Il fut une époque pendant laquelle les équipements, aussi complexes soient-ils, étaient basés sur des composants physiques, voire tout simplement mécaniques. Les défaillances de ces équipements, et
donc les risques qu'ils présentent pour leur utilisateur, pouvaient être quantifiés à partir de la connaissance de la fiabilité de leurs composants. C'est encore aujourd'hui le but des Analyses des
Modes de Défaillance, de leurs Effets et de leur Criticité. Une voiture des années 80 en est un excellent exemple.
Puis vint le logiciel. De par ses caractéristiques, il est difficile (et encore quasi impossible de nos jours) de lui faire subir la même analyse. La plupart des normes, codes, pratiques et
réglementations séparent donc les systèmes en :
* une partie analysée de manière "probabiliste" (c'est à dire que l'on peut quantifier ses défaillances) qui contient généralement les équipements physiques,
* et une autre partie que l'on considère comme "déterministe" (c'est à dire que l'on considère que ses défaillances ne sont pas quantifiables mais déterminées intrinsèquement) qui est constituée du
logiciel.
Il s'en suit que la fiabilité des systèmes d'aujourd'hui est quantitativement exclusivement déterminée (dominée) par leur part probabiliste. Cela ne pose pas (encore) de problème tant que la
part "mécanique" des systèmes reste dominante.
Les systèmes du futurs ne ressembleront pas aux systèmes actuels en ce sens que soit parceque :
* leurs modes de défaillance principaux seront ceux du logiciel. Si vous prenez l'exemple d'autoroutes automatisées, la probabilité d'avoir un accident sera bien plus liée au fonctionnement du
système complet qu'à la probabilité d'avoir un pneu crevé. C'est la cas où le fonctionnel prend le pas sur le matériel.
* les aspects matériels seront différents des caractéristiques actuelles des équipements. Dans l'exemple d'un équipement fait de nano-matériaux, dont la forme et les propriétés sont en permanence
changeants, il n'est pas dit que les méthodes actuelles probabilistes soient applicables.
Il en résulte que l'état de l'art de l'analyse de la fiabilité des systèmes ainsi que les méthodes de conception qui en découlent ne sont pas adaptées à la conception des systèmes du futur. Il
me semble probable que les approches de l'ingénierie système et du génie logiciel à travers les propriétés des systèmes sont les plus adaptées aux besoins émergents. Malheureusement les
possibilités de quantification de ces propriétés sont loin d'être un consensus entre les théoriciens du sujet. C'est donc un chantier intéressant à creuser dès maintenant.
Notre vision occidentale de la société est basée sur une vision de l'individu qui nous est propre, et se déploie à travers le concept de la démocratie qui est peut être à la société ce que la
locomotive à vapeur est à la technologie, c'est-à-dire l'aboutissement ultime d'un chemin qui s'est révélé a posteriori une voie de garage.
Cette vision est totalement héritée d'un passé culturellement structuré par les religions qui figent le rôle de l'homme par rapport à lui-même en lui refusant la position de créateur (démiurge).
Cette vision structure actuellement les débats autour de la bio-éthique, de l'avortement et autres euthanasies.
De la même façon que pendant que nous expérimentons les éco-quartiers, certains bâtissent déjà des éco-villes à l'autre bout de la planète, nous risquons fort de nous retrouver dans quelques années
à débattre de problèmes que d'autres auront dépassé sans même s'en soucier. Ce qui nous attend avec les nano-technologies et la bio-ingénierie va ravaler les empoignades de Benoît Très Etroit
avec les homosexuels britanniques au rang du débat sur le sexe des anges.
Ce qui ne signifie nullement que les problèmes qui seront soulevés ne méritent pas d'être regardés, et de près. Je veux simplement dire que ce n'est pas dans notre conception de l'homme que nous
trouverons les réponses. Nous les trouverons en nous posant la question "A quoi çà sert ?". Ce qui correspond finalement à ma conception de l'éthique.
Il n'est pas sûr, à terme, que la démocratie soit le parangon des systèmes dans une société où l'homme se maîtrise en tant que créateur. Certains sont d'ores et déjà convaincus du contraire.
Personne ne sait qui aura raison.
Né en France en 1960, Bertrand Ricque passe son enfance à l’étranger et y forge son goût pour les contextes internationaux et les échanges culturels. Après des études techniques en génie mécanique, il intègre l’Ecole Spéciale Militaire de Saint-Cyr et obtient un diplôme d’ingénieur. Il commence sa carrière par la direction d’une unité de missiles de reconnaissance (drones) au sein de laquelle il conforte son goût pour les systèmes de technologie avancée, l’organisation des équipes et l’initiative.
En 1990, il décide de s’orienter vers des activités industrielles et est nommé Chef de Projet Senior chez Elsag Bailey. Il dirige alors de nombreux projets notamment dans les domaines de la pétrochimie, de l’offshore et de l’énergie classique et nucléaire. Il occupe ensuite des postes de responsabilité dans des sociétés fournissant des systèmes automatisés aux industries de procédés continus et manufacturières, telles que Rockwell Automation, Euraltech et Vanderlande Industries. Dans ces sociétés, il promeut des méthodes d’ingénierie basées sur l’efficacité de la gestion de projet et sur la maîtrise de la sûreté de fonctionnement des systèmes automatisés. Bertrand Ricque est depuis 2004 Chef de Programme de systèmes de défense chez Safran Electronics & Defense où il a dirigé des programmes de drones et de blindés.
Il contribue aux travaux du comité SP84 de l’International Systems and Automation society et représente le GIFAS au sein du groupe de travail TC65 de la Commission Electrotechnique Internationale. Il est le convenor du groupe de travail rédigeant la norme IEC 63187 de sécurité des systèmes de défense. Il est formateur et consultant dans les domaines des systèmes automatisés critiques pour la sécurité et de la cyber sécurité. Il réalise des audits d’installations classées sur la base du référentiel IEC 61508/61511 et a enseigné la gestion des projets d’automatisme à l’École Nationale des Ponts et Chaussées.
Bertrand Ricque was born in France in 1960 and spent his childhood abroad. He developed a strong taste for international relations and cultural exchanges. After a BS in mechanics, he enters Ecole Spéciale Militaire de Saint-Cyr (French military academy). He completes an MS in general engineering, specialises in unmanned airborne systems and starts his career as commanding officer of a drone unit. He gets familiar with high technology systems, team organisation and initiative.
In 1990 he switches to industrial activities and is appointed Senior Project Manager within Elsag Bailey. He manages various projects in petrochemical, offshore, classic and nuclear energy industries. He then holds managing positions within different suppliers of automated production systems, such as Rockwell Automation, Euraltech and Vanderlande Industries. Within all these companies, he promotes good engineering practices based on efficient project management and automated systems availability. Since 2004, Bertrand Ricque is Defense Systems Program Manager within Safran Electronics & Defense where he led UAV and MBT programs.
He contributes to International Systems and Automation society SP84 committee and to International Electro technical Commission TC65 workgroup. He is the convenor of the workgroup writing the IEC 63187 standard concerning the safety of defence systems. He is trainer and consultant for safety critical instrumented systems and cybersecurity. He conducts IEC 61508/61511 audits for hazardous plants and gave automation project management lectures at École Nationale des Ponts et Chaussées.