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Le gâteau

Publié le par Bertrand Ricque

Un truc qui m'épuise, c'est les gens qui confondent lutte contre les injustices et principe de réalité.

Certes les inégalités en riches et pauvres sont moralement indéfendables, terribles, trop importantes, absurdes, etc... Dit autrement, le gâteau mondial est foutrement mal partagé. Il y en a qui ont une part ridicule et il y en a qui ne savent pas quoi faire de la leur. Donc, on se révolte, on post, on like, on épouse les causes, on signe chez change.org. Tout ceci est fort justifié, légitime et pertinent. Efficace, je ne sais pas, mais de toute façon il n'y a rien de pire que de ne rien dire.

Vient ensuite le moment de revenir au principe de réalité et discuter du partage du gâteau. Si on le partage également (je n'ai pas mis équitablement à dessein), on s'aperçoit que tout le monde est d'accord à condition que sa part ne diminue pas.

C'est à ce moment que cela tourne au vinaigre dans les dîners mondains ou sur Facebook. En effet, le PIB mondial est de l'ordre 101 000 Mds de dollars. Je vous laisse faire la division par 6 ou 7 milliards de personnes, ou par 9 milliards pour se projeter dans un futur très proche. Ça donne entre 14 et 17 000 dollars par an de nos jours et de l'ordre de 11 000 dollars dans 25 ans. La moyenne française étant à 43 000, cela signifie que même le smicards va devoir baisser ses revenus. A ce stade, hurlements, cris d’orfraie et levée de bouclier. Hors de question de baisser le niveau de vie de nos pauvres. Bon, dont acte.

Là vous avez sérieusement refroidi l'atmosphère du dîner, si on vous a laissé parler.

Il faudrait donc augmenter le PIB mondial pour que tout le monde ait le niveau de vie de .... aller, un français moyen. Donc le multiplier par presque 4. Pas de chance, cela signifie multiplier par 4 la consommation de ressources naturelles, de production d'énergie (forcément largement nucléaire pour des quantités pareilles, si on veut décarboner en même temps), toutes choses qui ne couchent pas bien avec les amateurs de paniers AMAP autour de la table.

Vous venez de franchir le point Godwin du politiquement correct. La discussion n'est plus de savoir si les nombres avancés sont bons, si on ne pourrait pas trouver une alternative, si le fait qu'il est des perdants et des gagnants dans la vie est intrinsèquement le fait de l'homme ou le fait de la société. Non, ce qui est gravissime, c'est que vous cassez l'espoir, que vous devriez rêver d'un monde meilleur pour vos enfants. Bref, il ne faut pas désespérer Billancourt.

Ben moi, le monde pour mes enfants, je ne le rêve pas, j'essaye de le construire. Parce que ceux qui refusent les problèmes, qui ne se rendent pas compte que ce que notre génération a vécu, et vit encore, n'est qu'une parenthèse heureuse, rêvent le monde futur et ne font que le rêver. Ils ne construiront jamais rien en partant sur un mauvais état des lieux. Comme disait BSP, ne pas voir un problème ne le fait pas disparaître.

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